Remise en cause des 35 heures ?

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Le rapport Badinter fait du temps de travail un «principe essentiel» du droit. Le Premier ministre ne se prononce pas clairement sur le niveau de la majoration des heures supplémentaires.

Torpiller les 35 heures ? Emmanuel Macron est pour. Myriam El Khomri est contre. Et Manuel Valls ? Un peu des deux… Lundi, à l’occasion de la remise du rapport de la Commission Badinter sur la refonte du Code du travail (voir document ci-dessous), le Premier ministre a savamment entretenu le flou sur l’ampleur de la réforme du temps de travail à venir dans le futur projet de loi El Khomri.

Une question reste toujours sans réponse : alors que le gouvernement veut autoriser les entreprises à fixer par accord leur propre taux de majoration des heures supplémentaires, faut-il les autoriser alors à descendre sous le seuil de 10 % aujourd’hui fixé par la loi ? Vendredi, le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, avait relancé la polémique en plaidant pour une liberté totale, y compris d’une non majoration, ce qui entraînerait « de facto », selon ses mots, la fin des 35 heures. Lundi, Myriam El Khomri, ministre du Travail, a réaffirmé, comme déjà mardi dernier , qu’elle entend certes autoriser les entreprises à fixer une majoration inférieure à celle prévue par un accord de branche (elle atteint alors souvent 25 %), mais en maintenant « le seuil plancher de 10 %. »

Passages de salariés en « forfait jours »

L’arbitrage de Manuel Valls était attendu. Il n’est pas limpide. Certes, le Premier ministre a affirmé que la réforme du Code du travail « ne remettra pas en cause la durée légale de travail » et qu’ « il faut que les heures supplémentaires soient majorées et elles le seront toujours (…) sinon c’est la fin de la durée légale du travail. » Mais il a refusé de confirmer le maintien d’un seuil de 10 %, expliquant qu’ « une partie du débat que nous allons avoir porte sur le niveau de cette majoration ». Il contribue ainsi à alimenter un flou qu’avait déjà provoqué François Hollande la semaine dernière, en restant lui aussi éliptique sur la question clé de la majoration. En matière de temps de travail, la véritable annonce est en réalité venue lundi des passages de salariés en « forfait jours », que l’exécutif veut autoriser dans les TPE et PME sans accord d’entreprise préalable.


Ce débat intervient alors que le rapport remis par la commission Badinter réaffirme que « la durée légale du travail est fixée par la loi » et doit donner « droit à une compensation » pour les salariés la dépassant. C’est l’un des 61 « principes essentiels » du droit du travail dégagées, « à l’unanimité », par la commission de neuf experts juridiques présidée par l’ex-garde des Sceaux. Comme l’a confirmé Manuel Valls, ils « formeront le chapitre introductif, le préambule du futur Code de travail », qui doit être réécrit d’ici à fin 2017 par une nouvelle commission dédiée.

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Le corpus retenu témoigne d’une forte volonté de préserver le modèle social français, tant, au-delà de grands principes constitutionnels et humanistes qui ne font pas débat (droit de grève, égalité professionnelle, droit à congés maternité, liberté de se syndiquer, etc.), tous ses totems sont réaffirmés : le CDI doit être la norme et la période d’essai « raisonnable », le licenciement est « justifié par un motif réel et sérieux » et doit ouvrir « droit à une indemnité », « le repos hebdomadaire est donné le dimanche sauf dérogation », « le salaire minimum est fixé par la loi »… On est très loin de la révolution libérale dont rêvent certaines patrons.

 Avec Robert Badinter, nous déverrouillons le temps de travail pour des entreprises plus souples et plus d’emplois.

 

 Le rapport Badinter réaffirme les principes fondamentaux de notre droit du travail, un socle commun pour mieux protéger
L’approche est d’autant plus prudente que Robert Badinter à bien précisé que la commission avait travaillé «  à droits constants », en synthétisant les règles actuelles, mais sans s’aventurer à émettre des propositions d’évolution. Cela aura en tout cas assuré au rapport un relativement bon accueil des syndicats : « C’est clairement le rappel que le Code du travail est au service des salariés », s’est félicité, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, dans « Le Monde ».

Reste que, comme le souligne FO, beaucoup dépendra ensuite de l’articulation entre la loi et les accords de branche ou d’entreprise que bâtira l’exécutif, décidé à laisser une large place à ces derniers, notamment quand l’emploi est en jeu. C’est alors, seulement, qu’on pourra juger si la réforme tient de « la révolution » que promet Manuel Valls ou de la « réformette », comme le dénonce l’opposition.
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